Elles sont soignantes, agentes d’entretien, caissières, agentes du service public comme à la Poste… Les femmes sont majoritaires dans ces emplois à risque peu rémunérés et dont l’utilité sociale apparaît au grand jour en cette période de crise sanitaire.
Le travail des femmes est en moyenne moins rémunéré : -25 % de revenu net en moyenne par rapport aux hommes, écart dû à la surreprésentation des femmes dans les postes à temps partiels, qui leur sont parfois imposés, à de la discrimination sexiste pure et simple, mais aussi à la dévalorisation des compétences dites « féminines ». Si les infirmières, les institutrices ou les agentes d’entretien sont mal payées, c’est aussi parce que ce sont des métiers vus comme féminins, donc requérants des compétences considérées innées chez les femmes : compétences qu’il semble alors inutile de rémunérer plus. Ce phénomène est particulièrement notable parmi les professeurs : quand la profession se féminise, les salaires baissent.
Quand il n’est pas mal payé, le travail effectué par de nombreuses femmes en France est souvent carrément gratuit : les dons bénévoles de masques cousus main ou les livraisons de repas maisons pour les soignant⋅es sont bien-sûr réalisés en majorité par : des femmes. Lorsqu’on appelle à la générosité et aux actions bénévoles individuelles (par exemple, lorsqu’on échoue ou refuse de prendre en charge les commandes et distributions de masque à un niveau étatique, comme c’est le cas du gouvernement actuel), on se repose – encore une fois – sur le travail gratuit de nombreuses femmes. L’argument de l’urgence ne suffit pourtant pas à justifier le choix du bénévolat des femmes plutôt que l’industrie : comme le dit Annabelle Locks dans son interview pour agirpourlaculture.be, le bénévolat est un choix « plutôt contreproductif et inefficace » en terme de rapidité de production. Comment justifier alors un choix aussi ouvertement sexiste ? Locks rappelle que « ce n’est pas un oubli ou une panne d’imagination : c’est simplement un moyen de faire des économies, de faire en sorte que cette crise coute le moins cher possible. Ça relève plutôt de l’idéologie néolibérale, celui d’un choix purement économique ».
Au sein du foyer aussi, on se repose sur le travail gratuit des femmes – et en période de confinement, ça commence à se voir. Faire le ménage, les repas, les courses, veiller au bien- être des enfants : autant de tâches qui incombent largement plus aux femmes qu’aux hommes en France aujourd’hui. Comme si sans elles, le foyer s’écroulait. Devoir tout prévoir, être responsable du bon déroulement de la vie domestique, c’est ce qu’on appelle « la charge mentale » qui pèse lourd sur leurs épaules. Les mesures de confinement n’ont bien-sûr rien arrangé – et pourtant, un certain nombre d’hommes sont confinés chez eux, en télétravail ou au chômage partiel : spoiler alert, ils ne participent pas plus qu’avant à la vie du foyer et aux tâches ménagères. Le confinement catalyse et amplifie les injustices du patriarcat, lesquelles apparaissent d’abord au sein de la sphère familiale et privée. Conjointement à l’accentuation de la charge mentale, on observe une augmentation des conflits au sein des ménages autour de questions domestiques, comme l’éducation des enfants et la réalisation de tâches ménagères, comme le montre une étude Ifop de mars 2020. Cela témoigne d’une augmentation des risques de violence au sein des ménages, dans un contexte de tension et de vulnérabilité plus grande des victimes de violences, parfois confinées avec leur (potentiel) agresseur.
Le travail domestique gratuit fait partie, comme le rappelle le dernier article d’Aurore Koechlin dans Contretemps, du travail reproductif attendu des femmes et qui permet au capitalistes de faire tourner l’économie : reproduire la force de travail, assurer le maintien des naissances, le soin des enfants, l’éducation des futurs travailleurs. Le travail reproductif, c’est aussi le travail du soin, des aides-soignant.es et infirmier.ères, des prof, etc. Mettre en place des mesures de confinement et promettre des aides et des primes à celleux qui travaillent encore et sur qui beaucoup repose, c’est favoriser le travail reproductif au détriment du travail productif. Cette contradiction interne au système capitaliste n’est pas accidentelle : les classes dominantes ne se sont pas soudainement convertis en défenseuses des métiers du soin ; elles assurent juste le minimum de reproduction pour sauver leurs amis patrons et entretenir un maximum de production.
Comme à chaque occasion qui se présente pour les machistes, les droits des femmes sont encore aujourd’hui remis en question par les hommes à travers le monde. Exemple du droit à l’IVG, menacé partout où il avait été gagné il y a des années. La crise actuelle n’est qu’un accélérateur des difficultés pratiques opposées à l’exercice de ce droit depuis longtemps :
Au delà de l’accès à l’avortement, c’est globalement l’ensemble des droits des femmes et des minorités de genre qui est menacé en permanence : le patriarcat agit sur tous les fronts.
Ce n’est ici qu’une série d’exemple parmi d’autres, qui mettent en lumière l’importance de notre soutien/mobilisation/complicité avec les luttes féministes du monde entier pour un meilleur accès aux soins et aux droits et pour une réelle reconnaissance de leur travail.
Pour aller plus loin :
Les femmes en première ligne en Tunisie
Favoriser la reproduction plutôt que la production : Aurore Koechlin
Interview de Annabelle Locks sur l’essentialisation du travail des femmes