NPA Bourgogne Franche-Comté
  • Le meilleur moyen de lutter contre le complotisme, c’est de se battre contre l’exploitation, les oppressions et pour l’émancipation de toutes et tous !

    3 juin 2020

    A l’heure où même Twitter est obligé de bloquer Donald Trump pour ses plus gros dérapages, où des vidéos prétendent dénoncer les fabricants du Covid-19 par des explications plus virales que le virus lui-même, et où nous voyons fleurir sur internet et jusque dans nos réseaux militants les explications farfelues et parfois haineuses, de la crise sanitaire et économique, comment combattre le complotisme sans désarmer la critique ? De fait, l’écho de ces discours est d’autant plus grand que nous avons été reclu.e.s chez nous, avec de moins en moins d’occasion de se rassembler, de discuter, de confronter nos idées. Inquiet.e.s de la situation, isolé.e.s devant nos écrans, nous savons que par le passé, de nombreuses crises sanitaires ont prouvé la mauvaise foi des possédants et de leurs alliés au pouvoir et dans les médias, alors que le gouvernement promulgue des lois contre les « fausses nouvelles ». Mais de là à croire au grand complot comme jadis au diable...

    D’un côté, il y a les bonnes raisons d’être méfiant.e.s et critiques contre les puissants.
    Les exemples sont nombreux ! La toxicité de l’amiante, comme celle du Téflon, démontrée depuis longtemps, n’a pas empêché patrons et pouvoir public de continuer à exposer des travailleurs.ses jusqu’à ce que le nombre croissant des morts pousse à la lutte. De la même manière, des produits phytosanitaires depuis longtemps interdits ailleurs, ont continué longtemps à polluer et intoxiquer des exploitant.e.s avant que n’éclate le scandale (voir les films « Dark waters », « Les Sentinelles »). Les mêmes manipulations parcourent les essais médicaux et pharmaceutiques controversés.
    Négociations secrètes, archives fermées, accords politiques clandestins, bien des responsabilités sur bien d’autres matières, sont ainsi camouflées, ce qui justifie que l’on restent vigilant.e.s et que l’on continue à mener des enquêtes, avec méthode et sang-froid, mais aiguillonné.e.s par notre conscience collective d’exploité.e.s.

    D’un autre côté, il y a de bonnes raisons d’être méfiant.e.s et critiques contre les initiateurs, influenceurs et colporteurs de théories du complot.
    Les initiateurs de théories du complot détournent des questions du quotidien, de l’exploitation, de la domination subie. Ils cherchent à se réapproprier la colère sociale, la soif de liberté et de justice. Ils détournent la critique contre des pouvoirs déjà en place. On sait le rôle de Twitter pour un Trump et ses sorties sur « le virus chinois ». Cela entre dans une stratégie politique, la construction d’un ennemi extérieur pour mieux se dédouaner des conséquences économiques de la crise et se prémunir contre une défaite électorale en novembre aux élections présidentielles des USA. On sait le rôle des trolls russes dans la politique d’un Poutine.
    Ils servent aussi les puissants, celles et ceux qui prétendent qu’il suffit de remplacer les dirigeants par d’autres pour changer le système ! Les influenceurs, souvent proches de l’extrême droite, et souvent d’ailleurs de possédants, servent les intérêts de celles et ceux qui aspirent au pouvoir. La fachosphère s’appuie sur les supposés complots pour distiller une idéologie nationaliste et raciste qui sert de tremplin au RN et aux mouvances d’extrême droite.

    Pourtant, il y a de bonnes raisons d’être méfiant.e.s et critiques contre les gouvernements et les élites qui distillent le mépris envers celles et ceux qui sont tentés par les explications complotistes.

    La dénonciation institutionnelle du complotisme passe surtout par la dénonciation de celles et ceux qui sont sensibles aux théories du complot, teintée d’un mépris de classe. Certain.e.s s’enorgueillissent de bien penser. Ils et elles renvoient les pensées critiques maladroites qui passent par un raccourci complotiste, à de l’ignorance ou de la bêtise. Par leur position sociale, leur diplôme et l’assurance qu’ils et elles en tirent, ils et elles s’autorisent à disqualifier les raisonnements de leurs interlocutrices.eurs et bloquent tout dialogue, toute évolutions dans le débat. Ils et elles restent aveugles et sourd.e.s aux conditions d’existence, au sentiment d’injustice et à l’exploitation subie qui se cachent derrière des idées empruntées aux sphères conspirationnistes.
    Dans la même logique, Macron et son monde s’érigent contre les tendances à l’obscurantisme et contre les risques du fascisme en employant la répression, le contrôle de l’information, tout en faisant la chasse aux votes de celles et ceux qu’ils méprisent. Devrait-on s’en remettre à la bienveillance et à la bien-pensance des dirigeants en place ? Comment ne pas craindre des entraves à la liberté d’expression et au pouvoir de la critique ? Le flicage et le contrôle de « la vérité » renforcent les complotistes en tout genre dans leurs raisonnements : si on veut les faire taire, c’est qu’ils ont raison. Une théorie simpliste et mensongère ne sera jamais mieux servie que par la répression qu’on lui oppose ! Leurs adhérent.e.s seront d’autant plus nombreuses.x qu’ils et elles se sentiront exclu.e.s et insulté.e.s !

    Mais non, le grand complot n’existe pas !
    Le système capitaliste, avec toutes les oppressions et les formes de domination qu’il utilise, n’a pas besoin d’une intentionnalité, unique et centralisée, d’une escouade de sorciers ou de diables, pour se reproduire, continuer à concentrer les richesses entre les mains d’un petit nombre, favoriser l’exploitation salariale et domestique du travail, contrôler et limiter les libertés… Certes parfois les capitalistes savent resserrer les rangs (cartels, trusts ou simples services rendues entre grands patrons et membre des conseils d’administrations du CAC40…). Mais ils n’ont pas besoin de « comploter » pour bien s’entendre et pour être d’accord idéologiquement. Ils appartiennent à la même classe par-delà leurs conflits acharnés, à coup de vente boursière, d’OPA ou de guerres. Les premières victimes de cette concurrence sont celles et ceux qu’ils exploitent, les travailleuses et travailleurs, dont les conditions de travail et d’existence se dégradent, sous l’effet du « dumping social » et des délocalisations ! D’ailleurs, des possédants exploiteurs aux initiateurs de complots, il n’y a souvent qu’un pas : pour salir un concurrent, ou déclencher une guerre profitable, il suffit parfois d’une « fausse nouvelle ». Souvenons-nous de Bush contre l’Irak, ou aujourd’hui les suspicions insinuées par Trump contre la Chine !

    Le meilleur moyen de lutter contre le complotisme, c’est de se battre contre l’exploitation, les oppressions et pour l’émancipation de toutes et tous, et de défendre nos idées ! La lutte anticapitaliste, la défense de l’autogestion de la société, les prises de conscience partagées de l’aliénation et de l’exploitation sont les meilleures armes contre les théories du complot et contre l’idéologie capitaliste.

    Pour aller plus loin :

    Médiapart : Lutter contre le complotisme, c’est lutter contre qui ?
    NPA : Vaccinons-nous contre le complotisme !