Faire revenir à l’école les enfants de maternelle et primaire à partir du 11 mai, puis les collégien.ne.s à partir du 18 et les lycéen.ne.s début juin est une décision irresponsable du gouvernement et largement contestée, à Dijon comme ailleurs. Depuis l’annonce de Macron, les enseignant.e.s du Castel, comme d’autres collectifs, avaient déjà signifié leur refus de reprendre. Leur position se trouve renforcée après que le Conseil Scientifique, qui apporte un avis consultatif sur la gestion de l’épidémie, a rendu public son rapport quelques jours avant l’allocution de Philippe, précisant qu’il préconisait une reprise en Septembre. Tandis que les études publiées dans la presse sur la contagiosité des enfants se contredisent, l’Italie a d’ailleurs décidé que l’année scolaire était définitivement interrompue sur son territoire. Face à tant d’incertitude, pourquoi Blanquer et Macron précipitent-ils les choses ? Le seul objectif est bien de relancer la machine à profit, au moment même où le gouvernement verse des milliards d’aide aux multinationales.
Les risques et les craintes face au virus.
Les enseignant.e.s des différents degrés ont reçu le 30 avril les plans de déconfinement de l’éducation nationale. D’après elles et eux, les conditions sanitaires préconisées sont ubuesques et complètement déconnectées de la réalité du terrain. La distanciation physique entre les élèves et le port du masque par les enseignant.e.s sont particulièrement irréalistes dans les écoles maternelles et primaires. Tous les gestes barrières seront rapidement rendus inefficaces par la vie ordinaire des écoles et le déroulement des classes. Le risque d’une seconde vague de l’épidémie s’en trouve alors démultiplié ! Tout cela sans compter sur la pénurie de masques ou autres équipements qui affectera les personnels : le ministère de l’éducation nationale ne fournira que ses agents (à raison de deux masques par jours) et laisse les directeurs d’établissement se procurer le reste pour les autres personnels (restauration, entretien, encadrement).
Les mesures sanitaires rompent de fait toute possibilité d’une relation pédagogique efficace et privent des élèves d’une partie de l’attention nécessaire au suivi des cours. Les élèves de maternelles et primaires notamment, beaucoup plus sensibles aux angoisses et à la tension qui les environnent depuis le début de la crise, ne seront certainement pas en mesure de reprendre le programme sereinement. De leur côté, les enseignant.e.s soucieux.ses de leur propre santé et de celles de leurs proches et fatigué.e.s par le travail supplémentaire qu’ils et elles ont dû fournir pendant le confinement seront bien loin de la disponibilité d’esprit nécessaire pour l’animation des cours.
Une reprise qui creuse encore les inégalités sociales.
Déjà « la continuité pédagogique » était un leurre. L’accès aux outils numériques, la place à la maison pour étudier dans le calme ou la présence de parents disponibles et suffisamment formé.e.s pour accompagner leurs enfants dans les apprentissages scolaires étaient loin d’être garantis pour tou.te.s les élèves. Plusieurs témoignages d’enseignant.e.s ont montré que les calculs ministériels de la proportion d’élèves dit « décrocheurs » sont biaisés. Ces dernier.e.s représentent bien plus que les 5 à 8% annoncés, et ce sont dans certaines zones plus des 2/3 des classes qui n’ont plus de liens réguliers avec leurs enseignant.e.s en cette période de confinement. Bien évidemment, les inégalités sociales sont le cadet des soucis du ministère, qui préfère un système éducatif discriminant et sélectif à un lieu d’apprentissage et d’émancipation pour tou.te.s. Pour preuve, le choix de faire valider les diplômes nationaux (baccalauréat, BEPC) par le contrôle continu plutôt de que de considérer la proposition d’une année blanche portée par les syndicats. Tous ces choix sont cohérents avec les réformes infâmes passées en force dans tous le système éducatif public depuis quelques années.
Alors les arguments « pédagogiques » de Blanquer pour expliquer l’importance d’ouvrir rapidement les écoles pour éviter les décrochages, sont des mensonges éhontés. Rendre la reprise « volontaire » montre bien l’hypocrisie de ce discours. Personne ne s’attend à voir les élèves les plus éloigné.e.s de l’école revenir dès le 11 mai, d’autant que c’est souvent dans leurs établissements, situés dans des zones délaissées, que le manque d’équipements rendra la reprise plus risquée, voir impossible.
En plus, les classes seront dédoublées, précautions sanitaires obligent. La présence des élèves sur l’établissement se fera un jour sur deux ou sur trois s’il manque de place ou d’encadrant.e.s pour accueillir deux demi-classes au lieu d’une. Ces circonstances font qu’il n’y aura en réalité qu’une dizaine de jours ouvrés pours les élèves avant les vacances d’été, au mieux. Ce ne sont pas ces dix jours qui vont changer la donne pédagogique.
L’idée de cette reprise est donc bien de faire des écoles et ses personnels les gardes chiourmes pour les enfants de celles et ceux qui se verront obliger de retourner au travail, pour des raisons non moins discutables et dans des conditions sanitaires tout aussi déplorables.
Au-delà des décisions, une arrogance et des méthodes inacceptables
Ce qui n’aura pas changé dans cette crise, c’est le mode de fonctionnement du ministère et de ses rectorats. Comme dans le cadre de la réforme du bac et du lycée, aucune concertation n’a été menée. Les enseignant.e.s sont une nouvelle fois réduit.e.s à être les exécutant.e.s de décisions qu’ils et elles n’approuvent pas. Elles et ils vont se retrouver avec une somme de travail doublée, en charge d’animer dans la même journée les cours à distance pour les demi-classes restées à la maison, et les cours en présentiel. A leur fatigue physique et intellectuelle s’ajoute donc le mépris ressenti à leur égard et vécu tout au long de la crise par les pressions des hiérarchies et par les sorties gouvernementales contre les profs « qui ne travaillent pas ». Ces circonstances feront ressortir de manière criantes les manques de moyens et de postes déjà récurrents avant la crise.
Dans ces conditions, les seules perspectives positives du déconfinement à venir reposent sur le renouveau du mouvement social : « Jean-Michel Blanquer, sinistre autoritaire, on n’veut pas bosser pour toi ! », comme nous le disions dans nos manifs avant le 15 mars !