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    7 mars 2024

    UNE SEMAINE ORDINAIRE A CHARLIE-HEBDO

    Semaine 4 de 2024, trois éditos, trois éditorialistes :
    Le premier, Riss, s’en prend aux 1200 poètes qui ont signé une pétition refusant le parrainage de la 26ème édition du Printemps des poètes par le fasciste Sylvain Tesson (1). Au motif que même les partis politiques dont c’est la vocation n’ont pas réussi de toute façon à endiguer la montée de l’extrême-droite et qu’il faudrait faire preuve de plus de tolérance, au moins en matière culturelle : « la tolérance artistique se fait de plus en plus rare » regrette-t-il.
    Le deuxième, Biard, s’en prend à certains dans la communauté LGBT et à gauche, dont Médiapart. Ceci parce qu’ils dénigrent injustement le premier ministre Attal au prétexte que son homosexualité serait un faux gage de progressisme puisque Attal est un gay faisant partie et étant au service de la classe hétéro dominante.
    Le troisième, Lançon, s’en prend à « ce qu’il reste de la gauche » car « difficile et même douloureux de partager ce constat [les dégâts du capitalisme] (…) » avec elle, tant ses représentants sont des « (...) distributeurs automatiques de cris, de leçons, d’injonctions, saturés de fureur morale et de vanité ».

    En résumé, ils attaquent des milieux de gauche tout en défendant à l’occasion des personnes de droite : plus besoin du Figaro. Car tout de même, pour Lançon, entonner la vieille et paresseuse rengaine contre les donneurs de leçons, c’est ce que font toujours les capitalistes dès qu’on touche à leurs intérêts. Eux aussi se mettent alors à donner des leçons et à crier, par exemple en traitant de « commissaires du peuple » ou d’« écoterroristes » ceux qui luttent contre leurs pollutions agricoles ou industrielles. Et Lançon oublie Jaurès qui ne se gênait pas pour se placer sur le plan de la morale et dénoncer sur plusieurs pages l’immoralité intrinsèque du système capitaliste (2).
    Et Biard qui semble allergique à aborder les questions de genre à travers le prisme de la lutte de classe : est-il si dupe des coups politiques de la Macronie qui cherche à améliorer pour pas un rond son image dégradée en nommant un premier ministre homo ou en faisant inscrire le droit à l’avortement dans la Constitution ? Il ne faudrait pas traiter de ce cynisme au service de coups violents assénés « en même temps » dans le domaine social ou en matière d’immigration ?
    Chez Riss, c’est carrément le regret de cette lutte de classe qui devrait épargner le milieu culturel. Il faudrait selon lui « Des endroits qui permettent à la culture d’échapper à la violence ambiante en revendiquant une neutralité semblable à celle de pays comme la Suisse ou la Suède en période de guerre. » Pour sa part, il oublie Gramsci qui soulignait l’importance de la bataille pour l’hégémonie culturelle à laquelle participent même les milieux littéraires. Milieux où les pensées d’extrême-droite ont beaucoup progressé, Tesson vendant ses livres à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires comme les Moix et autres Houellebecq.

    En fait, ce recentrage de Charlie-Hebdo, en tout cas pour beaucoup de ses acteurs, n’est pas récent. Déjà avant l’ignoble attentat qu’ils ont subi, la mise à l’écart de Siné en fut le révélateur (3). Précurseur de cette évolution qui semble aussi son aboutissement logique, c’est bien sûr la trajectoire de Philippe Val, macroniste assumé qui éditorialise à présent sur Europe 1. C’est ce qui finit par arriver quand on demande paradoxalement plus de tolérance (pour des idées de droite) tout en flinguant systématiquement ce qui reste de radical (à gauche). On dirait que tous ces éditorialistes ne supportent pas que d’autres aient gardé la flamme de leur rébellion, avec ses excès et dans lesquels ils ont tant donné et qu’on aimait pour ça.

    A. Lorenzati Mars 2024

    (1)Pour connaître le Tesson politique, voir sur You Tube, la vidéo de Blast (de la minute 9 à la minute 24 puis de 47 à 50) :
    https://youtu.be/zyvnsDK4HNc?feature=shared

    (2)Voir : « La question sociale, l’injustice du capitalisme et la révolution religieuse » écrit en 1891, publié dans « Œuvres de Jean Jaurès », tome 2, Fayard, 2011.

    (3)Voir Siné balance sur Charlie : https://youtu.be/qjV4hBmCr0o?feature=shared