NPA Bourgogne Franche-Comté
  • « Je ne vocifère pas contre les malades mais...

    29 mai 2023

    « Je ne vocifère pas contre les malades mais contre le système. »
    A propos du drame de Reims, ce dont la psychiatrie et l’hôpital ont besoin c’est de moyens pour soigner
    Lundi 22 mai dernier, un homme souffrant de troubles psychiatriques sévères, armé d’un couteau, s’est introduit à l’hôpital de Reims. Il a tué Carène Mezino, infirmière et grièvement blessé une secrétaire médicale. Selon le procureur, l’assassin présumé a déclaré, en garde à vue, en vouloir aux maltraitances de la psychiatrie, et vouloir s’en venger en « plantant » des « blouses blanches ». On ne peut que partager l’émotion et la compassion que suscite ce drame, frappant des personnels hospitaliers, déjà en grande souffrance. Mais on ne peut qu’être indigné de l’exploitation qui en est faite tant par la droite et l’extrême droite que par le pouvoir.
    Les quelques larmes versées sur les victimes ne leur servent qu’à ouvrir grand les vannes du déferlement sécuritaire. Le ministre de la santé annonce la « tolérance zéro » ce qui veut dire : des vigiles, des systèmes d’alarme, des sanctions pénales alourdies pour les auteurs/trices de violences physiques, d’insultes à l’encontre du personnel hospitalier... Des recettes déjà préconisées, sans le moindre effet, après le drame de Pau puis par N. Sarkozy en 2008... E.Macron va encore plus loin en intégrant ce drame, dans un discours repris à l’extrême droite, à une violence de « décivilisation ». Il occulte ainsi les causes réelles de la violence dans les services publics et en particulier dans les établissements hospitaliers.
    Les actes violents dont sont victimes, dans les lieux de soins, les professionnels de santé, sont d’abord et avant tout liés à la difficulté d’accéder aux soins : heures d’attente aux urgences, délais de prise en charge entrainant des pertes de chances pour les patients... C’est bien là que se situe la « décivilisation » et les principaux responsables en sont la Macronie et ses prédécesseurs.
    Il n’y a aucune remise en question de la politique des différents gouvernements qui ont supprimé des milliers de postes dans les hôpitaux au fil des ans et tout spécialement en psychiatrie ; aucun questionnement sur les conditions d’exercice des personnels qui n’ont cessé de se détériorer à cause de directions de plus en plus autoritaires et hors-sol. Aucun questionnement sur la pénurie médicale qui aggrave les conditions de travail des soignant.e.s et de suivi des patient.e.s et qui ont vu les soignant.e.s, toutes catégories confondues, quitter par milliers le service public de la psychiatrie.
    Il n’y a pas de réponse sanitaire.
    Nul ne peut bien sûr affirmer qu’une meilleure prise en charge du présumé meurtrier, à Reims, comme de celui de Pau en 2003, aurait permis d’éviter le drame. Mais la disparition du dispositif de psychiatrie publique et des moyens d’une psychiatrie humaine créent toutes les conditions pour que de tels actes se reproduisent. Quand on demande à Patrick Chemla, qui a fondé le centre de jour Antonin Artaud à Reims, pourquoi l’agresseur de Reims était dehors, il répond qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que des personnes délirantes puissent circuler dans la cité. C’est le but même de psychiatrie. Ce qui compte c’est la prise en charge de chaque patient.e et le tissu soignant qu’il y a autour de la personne qui va mal.
    Ce qu’il faut ce sont des solutions de prévention, de postcures qui sont le principe même du soin de longue durée qui, à l’image de nombre de services publics, a été déglingué dans le pays. On en paye le prix fort aujourd’hui. Il faut reconstituer le tissu de réseaux ambulatoires, de centres médicaux psychologiques (CMP), de centres d’accueil. Des centaines de tels lieux ont été fermés.[1]
    Les patient.e.s de psychiatrie sont, elles et eux aussi, les victimes de ces politiques. La plupart des crimes commis ne le sont pas par des malades mentaux. Statistiquement, ces dernier.e.s commettent moins de crimes que la population normale. Pire, bien souvent ils et elles sont des victimes de violences dans la rue et/ou institutionnelles. Les carences de soins les amènent bien souvent à peupler les prisons, à se suicider ou à mourir dans l’indifférence générale. Comme le dit l’infirmière Corinne Langlois, qui fut en 2017 elle-même victime d’une agression de Frank, le meurtrier de Reims : « Je ne vocifère pas contre les malades mais contre le système ».
     
    Commission NPA Sécu, Santé, Sociaux.

    [1] https://www.francebleu.fr/emissions/l-invite-de-la-redaction-france-bleu-champagne-ardenne/champagne-ardenne