NPA Bourgogne Franche-Comté
  • Sur la loi travail… et la médecine du travail

    5 juin 2016

    Depuis plusieurs semaines maintenant, des milliers de personnes, des jeunes, des salariés, se mobilisent contre la loi El Khomri et sa logique de destruction des droits des salariés. On l’a beaucoup dit, la loi travail, notamment avec l’inversion de la hiérarchie des normes, c’est la possibilité pour les salariés de travailler plus, pour gagner moins, et être licenciés plus facilement.

    Comme si cela ne suffisait pas pour le gouvernement, le projet de loi comporte aussi toute une série d’attaques dont on a moins parlé. C’est le cas avec l’article 44, intitulé « moderniser la médecine du travail », qui vise à réduire encore plus les fonctions de prévention de la santé des travailleurs attribuées aux services de santé au travail, au profit d’une logique de contrôle et de sélection.

    Plusieurs dispositions sont vivement critiquées par les professionnels, notamment :

    - La disparition de la visite médicale d’embauche effectuée par le médecin du travail, qui serait remplacée par une visite « d’information et de prévention effectuée après l’embauche » par un membre du service de santé au travail. À travers le texte, on comprend rapidement que cette visite aurait surtout pour objectif de renforcer la responsabilité individuelle du salarié quant aux risques qu’il encourt, au détriment d’une logique globale de prévention. Après cette visite, le salarié ferait l’objet d’un suivi de son état de santé par le médecin du travail et par son équipe, mais le rythme de ces visites n’est pas encore déterminé (il pourrait aller jusqu’à cinq ou six ans).

    - Le dispositif de « surveillance médicale renforcée » (pour les mineurs, les femmes enceintes les travailleurs handicapés, ou les salariés exposés à des situations à risque spécifique) est redéfini. Il visera désormais les travailleurs occupant des postes à des risques pour leur santé et leur sécurité, mais aussi et c’est la nouveauté, « celle des collègues ou des tiers ». Les salariés en question bénéficieraient d’un « suivi médical renforcé » avec, notamment, « un examen médical d’aptitude » réalisé, cette fois, avant l’embauche et renouvelé périodiquement. La confusion ici entretenue entre la santé du travailleur et celle de tiers est une manière de promouvoir le véritable objectif sécuritaire de ce suivi - prenant la forme de recherche du cannabis, par exemple - au détriment du suivi des travailleurs soumis à des risques tels que les agents chimiques dangereux et autres cancérigènes.

    - La disparition de la visite médicale biennale obligatoire auprès du médecin du travail. La meilleure manière de ne pas s’occuper de l’altération de la santé des travailleurs du fait du travail, c’est certainement de ne pas vouloir voir les choses : pas de visite médicale, pas de traces des problèmes de santé et de leurs causes, donc pas de problème avec le travail.

    - En cas de contestation de l’inaptitude, l’Inspection du travail ne serait plus chargée de trancher le litige après avis du médecin-inspecteur du travail. Cette dernière disposition est gravissime, puisqu’il s’agit de substituer à l’inspecteur du travail qui exerce une « mission de contrôle de l’ordre public social » en référence à des règles de droit, une expertise médicale façonnée aux normes patronales dont le conseil de l’ordre des médecins s’érige de plus en plus en défenseur.

    Alors que les 5000 médecins du travail (pour 16 millions de salariés) ont de plus en plus de mal à faire leur travail, c’est-à-dire à exercer leurs missions de prévention, c’est cette médecine-là que le gouvernement veut mettre en place !

    Alors que le nombre de personnes souffrant de maladies professionnelles ne cesse d’augmenter, tout comme le nombre de personnes licenciées pour inaptitude, alors que tous les jours, des salariés perdent la vie suite à un accident du travail ou se suicident pour ne plus souffrir de la violence de leur travail, c’est cette médecine-là que le gouvernement veut mettre en place ! Cette médecine-là, c’est une médecine de tri et de sélection, afin d’éliminer non pas les risques du travail mais les «  travailleurs à risque ».
    Une raison de plus pour se mobiliser contre la loi El Khomri, non ?

    L.M.