Quant au volet économique et social du programme de Mme Dufay, une phrase-clé résume toute sa pensée en la matière : « Foi inébranlable dans la recherche car là se trouvent les innovations futures de nos entrepreneurs et donc les emplois de demain. »
Pensée magique parce qu’elle croit qu’une science tombée du ciel va agir spontanément pour l’intérêt commun. Elle a oublié, en socialiste convertie au libéralisme, qu’existe une lutte des classes et que la classe dominante guide la recherche – et ses applications – en vue de ses intérêts. Et ses intérêts, c’est de produire toujours plus pour vendre toujours plus dans un cadre concurrentiel. Toutes choses qui ne pourront nous sauver des 2 degrés et plus de réchauffement climatique, c’est-à-dire à moyen terme d’une planète quasiment inhabitable.
Pensée magique également parce qu’elle croit encore au fameux ruissellement : les innovations futures (qui ne sont pas certaines) feront les emplois de demain (plutôt d’après-demain dans ce cas, mais peuvent aussi en supprimer comme cela arrive). En tout cas, ces hypothétiques emplois au nom de la science, risquent de n’être que faiblement au rendez-vous. Or, les licenciements au nom des profits, c’est maintenant !
Face à cela, la pro-business Mme Dufay approuve les fusions, entrainant pourtant en général des réductions d’effectifs, comme celle d’Alstom avec Bombardier : « C’est une excellente nouvelle pour notre industrie ferroviaire. (...) C’est toute la filière ferroviaire régionale qui en sort gagnante notamment pour les trois sites Alstom que compte notre territoire. » Ce n’est pas l’avis des délégués syndicaux des deux groupes : « Dans toutes les fusions ou acquisitions, il y a de la casse » et « Dans ce type d’opération, un plus un n’a jamais fait deux pour les salariés ». Elle a été bien sûr en faveur de la fusion des régions car elles « (...) avaient atteint leurs limites sur le plan du développement économique, il était nécessaire de réunir nos forces », déclara-t-elle devant des chefs d’entreprise réunis par le Medef. Toujours priorité à l’économie (sauvage actuelle) mais pas un mot sur le moins de démocratie de ces méga-fusions qui éloignent le citoyen des centres de décisions...
Face au chômage également, elle insiste sur la formation : « cardinale pour que chacun puisse, tout au long de sa vie professionnelle, adapter ses compétences. » Ce qui a un double avantage pour les libéraux : pouvoir piocher dans une main d’oeuvre mal payée, ballotée au gré de stages plus ou moins bidons et reporter la responsabilité du chômage sur les salariés.
Pas question pour elle d’agir en amont contre les licenciements, c’est-à-dire contre ceux qui dirigent une économie guidée par les actionnaires. Comme à l’égard du rapace groupe Kéolis qui cogère l’aéroport Dole-Tavaux, groupe épinglé par Médiapart pour sa politique de réduction des salaires et des personnels. Mais à qui Mme Dufay verse de l’argent sans piper mot là-dessus.
En voiture-balai du capital, Mme Dufay préfère laisser les dégâts se faire et n’intervient qu’ensuite, comme elle l’explique : « Nous avons pris les moyens d’être véritablement en protection des personnes qui subissent les conséquences des restructurations industrielles parce qu’on est une région qui a un tissu industriel qui n’a pas terminé sa diversification, il y a des mutations extrêmement importantes à suivre ». Ainsi, cette là encore drôle de protectrice joue en fait en complément des acteurs économiques : à eux restructurations et profits maintenus, aux collectivités territoriales de payer leurs dégâts avec les fonds publics. Ainsi avec l’aide versée par la Région à la fonderie MBF de Saint-Claude (39) pour que l’entreprise tienne quelques semaines de plus en l’attente d’un repreneur. Mais pas un mot sur les patrons-voyous qui se succèdent et pillent MBF, aucun pas en direction, par exemple d’une nationalisation, même temporaire, de la filière fonderie attaquée de toutes parts.
Bien sûr, la Région n’a pas ce pouvoir mais elle pourrait mieux conditionner ses aides selon des critères écologiques et sociaux impératifs, avec remboursement des sommes avancées s’ils ne sont pas respectés. Elle pourrait même aller jusqu’à inciter la création de scoops aux mains des salariés lorsque les employeurs sont défaillants. Et puis, là où s’arrête vraiment son pouvoir, elle peut toujours utiliser le verbe : dénoncer le pillage, promouvoir la mise en commun...
Ce que faisait dans ces cas-là Jaurès le collectiviste qui disait du socialisme qu’il était la lumière de sa vie. Aux antipodes de la pathétique équipe B du capital qui ose encore se dénommer parti socialiste...